Imprimer Envoyer

Comment en est-on arrivé là ?

La vision d’un rescapé des camps de rééducation khmers rouges


Cambodge, « pays du sourire ». Difficile d’imaginer comment ce peuple si accueillant a pu en arriver à massacrer un quart de sa propre population. Ong Thong Hoeung, rescapé des camps de rééducation et témoin aux CETC, nous donne quelques clefs pour comprendre. Il met en lumière trois mécanismes : le nationalisme aveugle, une vision criminelle de l’histoire du type « la fin justifie les moyens » et l’exploitation du bouddhisme.


Nationalisme aveugle et vision criminelle de l’histoire


Quand on lui demande comment le génocide a pu se produire, Hoeung essaie de restituer la logique des lieutenants de Pol Pot : « Tout cambodgien, depuis qu’il a pris conscience de l’état de son pays, a peur qu’il disparaisse », explique-t-il. « Or, selon l’histoire, le Cambodge a été un pays glorieux par le passé. Donc comment faire pour le reconstruire et reconquérir ce glorieux passé ? Pol Pot vient simplement donner une réponse à cette interrogation : « Moi je vais construire un Cambodge mille fois plus prospère et puissant, mais pour y arriver, je dois sacrifier quelques personnes. »
Selon Hoeung, Pol Pot passe pour un très grand patriote auprès de ses lieutenants. C’est pourquoi ils pensent que « cela en vaut la peine ».
Hoeung condamne fermement ce principe de « la fin justifie les moyens ». C’est pour lui une vision criminelle de l’histoire, qui a été reprise par de nombreux dictateurs, notamment Hitler ou Staline. Et c’est en vertu de celui-ci que beaucoup de cambodgiens ont fermé les yeux sur quelques principes élémentaires.
« Il faut toujours faire attention ! Si on commence à violer la valeur humaine, ce n’est pas un monde meilleur qu’on construit, mais un génocide ! »

Exploitation du bouddhisme


Dans l’ouvrage « Cambodge année zéro », François Ponchaud explique que le génocide cambodgien ne s’est pas fait en dépit mais en raison de l’influence bouddhiste.
Hoeung réfute cette affirmation. Ce n’est pas la mentalité bouddhiste qui a mené les Cambodgiens à se laisser entrainer dans cette spirale, mais l’exploitation du bouddhisme.
« Le bouddhisme cambodgien est rituel. Il n’existe pas d’école bouddhique digne de ce nom. Mais selon la mentalité cambodgienne paysanne, si quelqu’un est chef, c’est parce qu’il a fait quelque chose de bien dans sa vie antérieure. C’est une question de karma. Il faut donc l’écouter. L’obéissance est au centre du schéma mental cambodgien. Et si le Cambodge ne donne pas une éducation pour changer ça, rien ne changera. »
Selon Hoeung, on ne peut donc pas vraiment dire que le bouddhisme a eu une influence. « On ne sait pas ce qui se serait passé si les Cambodgiens étaient chrétiens ou musulmans ! » lance-t-il. L’histoire lui donne malheureusement raison, les génocides sont un phénomène mondial. L’horreur n’a pas de religion officielle.
                                       
 
 
DELBROUCK Barbara


 

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir